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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

taille élégante et parfaite, ou si sa suave éloquence ne dépassait point tous ces avantages physiques. Courroucée, elle était capable de jouter de la langue, mais incapable de pardonner.

Le blond Guyomar plaisait à la brune Morgane qui n’était ni timide ni réservée, et de ses belles mains, il maniait, en plaisantant, le léger fil d’or. Cette aventure alla fort loin, si loin que la reine Genièvre, qui n’aimait pas encore Lancelot, se plaignit, scandalisée. Hélas ! cet amour devait avoir pour Morgane de tristes lendemains : elle était susceptible de souffrir.

Si l’on ne considère plus Morgane à travers le demi-jour fantastique de la forêt de Brocéliande, elle paraît ressembler étrangement à quelque héroïne d’un roman de nos jours. Elle pense ce que penserait une petite personne ardente et studieuse qui trouverait inférieur à ses aspirations le rôle qu’elle se croirait attribué par la destinée. La science, se dirait-elle, la délivrerait de cette infériorité.

Or, toutes les connaissances intellectuelles de Morgane ne l’empêchèrent pas d’aimer, d’être trahie et sur le point d’en mourir. Mais elle est aussi vindicative que passionnée : elle se vengera. Afin de se venger, elle trouvera le moyen de torturer sa rivale et elle inventera, pour son amant, le Val des Faux-Amants ou le Val Sans-Retour, au fond duquel tous les infidèles d’amour seront retenus, jusqu’au jour inespéré où passera cet être rare : un amoureux fidèle.

Morgane, sœur d’Arthur, règne toujours en Avalon ; elle possède une « tour ferrée », un « chastel d’acier », dont l’Arioste se souviendra peut-être pour évoquer le château du magicien Atlante ; elle hante