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LES FÉES DU CYCLE BRETON

Arthur, chez elles, reposait sur un lit d’or, à l’abri des coups de ses ennemis. Un luxe étrange et magnifique se déploie autour de leur beauté.

La musique est une des joies de l’île fortunée. Les fées, avec des chants, viennent au-devant d’Arthur, d’Ogier, de Rainoart. Elles ont une ville d’ivoire et d’or où doivent retentir ces petites harpes bretonnes que l’on appelle des rotes, et dont parlait déjà, au sixième siècle, le pieux ami de sainte Radegonde, le poète Venance Fortunat, dans une allusion aux lais armoricains. Morgane, sous le bouquet de ses pommiers en fleur, écoute la harpe de Thiten. Trois fées blanches comme fleurs de lis, selon le caprice de leur souveraine, vont transporter dans l’île d’Avalon le géant Rainoart endormi sur le rivage de la mer. Ces trois fées :

Sa massue font changer en un faucon
Et son haubert en un esmerillon
Et son vert heaume muer en un Breton
Qui doucement harpe le lai Gorhon,
Et de l’épée retirent un garçon
Et l’envoyèrent tout droit en Avalon…

Ce lai Gorrhon, favori des fées, l’était sans doute des mortelles ; et des vers, comme ceux qui nous décrivent Iseut s’accompagnant elle-même et murmurant un lai cher à Tristan, nous ouvrent une perspective sur la musique d’amour et de féerie qu’était la musique bretonne.

La reine chante doucement.
Sa voix accorde à l’instrument.
Li mains sont belles, li lais sont bons.
Douce la voix et bas les tons…