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LES FÉES DU CYCLE BRETON

lui l’aimait tant qu’il n’aimait rien autant comme elle. »

Ces petites lignes, qui laissent quelque estime pour le cœur de Viviane, indiquent suffisamment, cependant, qu’un abîme sépare l’amour de Merlin pour Viviane de l’amour de Viviane pour Merlin.

« Elle ne haïssait rien autant que lui », dit un autre roman, mais habile et coquette, elle sut si bien, pour arriver à ses fins de domination, simuler l’amour, que, tout devin et tout enchanteur qu’il était, Merlin y fut pris.

Le Roman de Merlin nous déclare qu’il « ne requit d’elle aucunes vilenie ». Dans le récit de la Dame du Lac, il nous apparaît comme un personnage de mœurs détestables, qui diffère du fidèle amoureux de Brocéliande, et plus encore du Merlin au grand cœur sauvage et pur de la forêt de Calidon.

Mais Viviane avait des moyens magiques de le duper pour le tenir en respect. Pourquoi l’enchanta-t-elle ? Par jalousie, pour s’assurer sa fidélité, ou par ressentiment, afin de se débarrasser de lui ? Voulait-elle simplement le maintenir en son pouvoir, afin d’être plus glorieuse et plus puissante ?

L’ermite Blaise, qui donnait de sages conseils à Merlin et cherchait à le diriger dans la ligne droite, s’aperçut qu’il était en péril. Viviane avait appris de l’enchanteur lui même le secret des enchantements ; elle lui avait demandé comment elle pourrait endormir quelqu’un. Merlin, naïvement, le lui expliqua ; la fée, avec une application de bonne élève, s’empressa d’écrire, comme les précédentes, cette nouvelle leçon de Merlin. On aura beau dire, jamais à cette petite personne ingénieuse, avisée et persévérante, je n’aurais l’idée d’appliquer les deux vers incomparables que Vigny dédie au cœur des amoureuses :