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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Le château disparaît, mais le jardin demeure, où ces chants résonnèrent, et il s’appelle le Jardin de Joie.

Certains récits nous parlent d’un voyage que fit Viviane, sous la conduite de Merlin, après un séjour de la future fée à la cour d’Arthur. Elle avait alors quinze ans et cachait sa naissance illustre. Elle n’aimait point Merlin, et dissimulait son antipathie pour acquérir de lui la science. En voyageant, ils arrivèrent sur les bords de ce lac de Diane qui plut à la fée. Merlin lui raconta l’histoire de Diane « qui se passait au temps de Virgile ». Le précepteur des fées ne craignait point l’anachronisme. Il avait bien d’autres choses à leur enseigner que les dates, si nous en croyons les vieux conteurs. « Elles savaient, dit le Conte de Brète, la vertu des pierres, des arbres et des herbes ; elles avaient trouvé le secret de se maintenir en jeunesse, en beauté, en merveilleuse puissance… » À la prière de Viviane, Merlin fit surgir un manoir invisible sur les bords du lac. Cela devait être un jour la résidence préférée de la belle, mais tant de docilité ne la toucha point. Elle reprocha vivement à Merlin d’abandonner Arthur en péril, et tous les deux se disposèrent à rejoindre le roi.

Les versions sont unanimes à affirmer que Merlin fut enchanté par Viviane, et que, pour maîtriser l’enchanteur, elle se servit de ses propres leçons. Comment et pour quelles raisons ? Ici, les divergences apparaissent, et la psychologie de Viviane est une des plus curieuses de ces romans de féerie.

Viviane aima-t-elle Merlin ? Déjà le court récit qui précède a posé ce problème sentimental, et la contradiction s’y est glissée. « Elle l’aima d’étrange manière, dit le texte le plus favorable à cet amour, par la grande débonnaireté qu’elle avait trouvée en lui. Et