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LES FÉES DU CYCLE BRETON

Cette forêt s’entrecoupe de landes sauvages, trouées et déchirées par des roches grises et nues, mais que leur robe de bruyères violettes parfume d’une odeur de miel. Les villages y sont clairsemés ; ils ont des noms étranges : Concoret, par exemple, qui semble signifier Val des Druidesses ou des Fées, et dont l’église dédiée à la Concorde rappelle un épisode des vieilles guerres seigneuriales ; Folle-Pensée, dont l’origine est inconnue, et qui désigne un grand hameau d’une remarquable bizarrerie : une procession de maisons sur une seule file, à travers des bois éclaircis et meurtris par les bûcherons ; un sol de pierre nue à larges blocs. Ce nom de Folle-Pensée fleure assez joliment la féerie. Tout près, il y a la fontaine de Bérenton, le perron de Merlin… Peut-être l’enchanteur y tenait-il cette école de fées dont Morgane et Viviane semblent avoir été les plus brillantes élèves. Aucune fontaine n’est aussi célèbre que Bérenton dans les annales féeriques. Au douzième siècle, le visionnaire Éon de l’Étoile en habita le voisinage, et l’on ne sait si le nom de Folle-Pensée consacre le souvenir d’Éon ou celui de quelque légende perdue.

Puisque le perron de Merlin se trouve à quelques mètres, pourquoi les mots Folle-Pensée ne nous rappelleraient-ils pas la folle pensée qu’eut Merlin de confier à Viviane le secret par lequel elle devait l’asservir ? N’est-ce pas la plus folle pensée de toutes ces histoires ? Et Brocéliande fut le cadre de cette fameuse duperie. D’ailleurs, le nom de Folle-Pensée a tout l’air de s’échapper d’un roman de la Table-Ronde, à moins qu’on ne le prenne pour un vestige oublié de la carte du Tendre.

Les maisons du village sont très vieilles ; elles