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LES FÉES DU CYCLE BRETON

mais en je ne sais quelle planète de rêve. Des érudits, cependant, croient bien l’avoir reconnue : elle existerait encore dans notre Bretagne.

Le Merlin de la Table-Ronde, le Merlin qu’au treizième siècle Robert de Boron nous présente, a conservé le goût des forêts que Geoffroy de Monmouth attribue au poétique et sauvage héros de sa Vita Merlini. Certes, il ne manque pas de forêts aux pays de la Table-Ronde : forêts d’Écosse, forêts du Northumberland, du pays de Galles et de notre péninsule armoricaine ; et la grande et la petite Bretagne ont chacune leurs forêts enchantées et leurs sites féeriques : Calidon, Arnante, Brequehen, Brocéliande. Mais Brocéliande est, par excellence, la forêt préférée de Merlin ; il y devise avec Morgane et Viviane ; il y demeure, quand Viviane a fait de lui sa dupe. Là fleurit le buisson qui devient l’éternelle prison de l’enchanteur.

Et cette forêt de Brocéliande existe ! Il est possible de la situer aujourd’hui dans un département français, un département comme un autre, pourvu d’un préfet, d’un conseil général, de tous les ressorts de l’administration moderne… Le mot province est charmant, et tout à fait compatible avec la féerie, mais le mot département a de quoi mettre en fuite les ombres légères de Morgane et de Viviane, comme s’il s’agissait de leur faire passer un examen pour l’obtention d’un certificat d’études primaires, devant l’inspecteur, le délégué cantonal, et une demi-douzaine d’instituteurs. D’après le savant M. Bellamy, qui fit du sujet une étude minutieuse et profonde[1],

  1. Bellamy, la Forêt de Bréchéliant, la Fontaine de Bérenton, 2 vol., Rennes, 1898.