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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

fille du châtelain s’arrêter au seuil du manoir paternel, pour soulever dans ses bras son ennemie inconnue, et la déposer à l’intérieur de ce manoir. Ne serait-ce point pour signifier que les mauvaises influences s’arrêteraient au seuil de notre âme, sans une complicité secrète de notre volonté ?

Si je m’attache au symbole des fées, c’est pour ce qu’il renferme de psychologie humaine et spécialement féminine, c’est pour les reflets de vérité que, comme un miroir imparfait, nous renvoie cette fiction. N’y-a-t-il pas des êtres humains dont l’existence, également, est une fiction ? Des êtres dont l’âme n’habite que le monde du paraître, et qui ne réservent rien pour celui de l’être ?

De ces créatures, les fées nous fournissent le symbole saisissant et presque tragique. Or, les grandes œuvres d’art sont celles qui, bouleversant les données du paraître, plongent leurs racines dans le monde de l’être. Ce monde n’appartient plus aux fées ; n’ayant aucune prise sur lui, elles sont réduites à l’ignorer. Aussi c’est en vain qu’elles pleurent et se réjouissent : rien n’est grand, sinon ce qui vient de l’âme pour aller à l’âme.


FIN