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ÉPILOGUE

vieille fiction, règnent sur les éléments et soulèvent des tempêtes, elles n’ont aucunement ce que Léonard de Vinci appelle la plus haute des seigneuries, la seigneurie de soi-même, expression qu’il emprunte d’ailleurs — et si nous n’abordions ici la signification morale et symbolique des fées, nous n’oserions écrire ce nom parmi des pages profanes — à l’admirable sainte Catherine de Sienne.

Les fées ne sauraient prétendre à la « seigneurie de soi-même », et, dès lors, toute leur puissance n’est qu’une pauvre petite chose.

Il est des puissances écrasantes et inférieures, comme celles des forces matérielles, celles de l’univers, dirait Pascal, qui tuent l’homme sans savoir qu’elles le tuent. Les fées vivent dans le monde des forces matérielles, et, pour le reste, tout leur prestige est illusoire.

Elles peuvent changer un lézard en laquais, une citrouille en carrosse, une princesse en chatte blanche, mais en général elles paraissent incapables de faire naître une seule belle ou bonne pensée dans une âme humaine. Où s’arrête leur empire ? Justement à ce monde moral dans lequel réside notre souveraine dignité.

Parmi la multitude des récits féeriques, certains affirment que les mauvaises fées s’arrêtent, impuissantes, au seuil de la demeure où elles voudraient pénétrer. Elles ne sauraient s’y introduire d’elles-mêmes ; mais que, par inadvertance ou par pitié, quelqu’un les aide à en franchir le seuil, elles seront libres d’y apporter la ruine, le malheur, la dévastation. Ce fut peut-être le sujet — bien qu’il n’y soit pas explicitement question des fées — de la mystérieuse Christabel de Coleridge, où nous voyons la