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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

nullement d’un excès de liberté. Il a pour cause une diminution de la liberté ; il livre l’être humain à la puissance des forces inférieures qui tendraient à le soumettre aux lois de la matière ; il est l’irruption de ces forces dans le libre domaine de sa vie morale. Le caprice est toujours l’allié d’une sorte de fatalité ; par là même, les fées sont exilées du monde moral. L’imagination leur accorde en guise de dédommagement une influence étrange sur le monde physique ; les Morgane, les Viviane, les Gloriande, les Titania, beaucoup d’autres en abusent ; une Mélusine a pressenti la beauté supérieure du monde moral, et, pour en atteindre le niveau, souhaité de devenir mortelle.

Contrairement au roman de Mélusine qui nous montre une fée aspirant à devenir une femme, la chanson bretonne de Loïza, toute mêlée de traditions populaires et de réminiscences littéraires, met en scène une femme en passe de devenir une fée. Il s’agit bel et bien de la fameuse Héloïse, amie d’Abailard, qui vécut un peu de temps aux environs de Nantes ; elle prit, aux yeux des Bretons, l’aspect d’une sorcière, d’une fée ou d’une magicienne.

Le poète se plaît à rappeler, à son sujet, la Canidie d’Horace ou la Magicienne de Théocrite ! Il ajoute même à ces souvenirs classiques la recherche de l’herbe d’or prisée par Merlin.

Folle d’orgueil, la Loïza de la chanson énumère ses connaissances ; elle se croit des pouvoirs sans limite. Elle raconte d’abominables crimes de magie qu’elle aurait sur la conscience : « Encore deux ou trois ans, s’écrie Loïza, mon cher ami et moi, nous ferons tourner le monde à rebours. » Mais une voix s’élève — quelle voix ? Celle qui reprenait doucement