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LES FÉES DU CYCLE BRETON

parle de Dieu, des moines, de la réconciliation finale. Mais le poète sursaute. Dieu, certes, il veut bien se tourner vers lui, solliciter de lui son pardon, mais qu’est-il besoin des moines, et qu’aurait-il à leur dire ? Merlin, qui fuit tout le genre humain, va-t-il les excepter, va-t-il leur découvrir les sauvages retraites de son âme indisciplinée ?

D’ailleurs, il les déteste entre tous ; Merlin appartient aux traditions païennes ; il incarne les coutumes druidiques. S’il fut baptisé par sa mère, il n’a point vécu selon l’Évangile ; et même on l’accuse d’avoir déchiré le saint livre. Sa lutte contre les moines fut une âpre guerre. Ganieda, qui porte le nom celtique de Gwendydd, aube du jour, sait où se trouve le secret de la paix, depuis qu’elle a revêtu la sombre robe de la pénitence. Elle est douce, attendrie ; elle appelle le barde son « sage devin », son « jumeau de gloire » ; elle s’apitoie de le voir étendu sur la terre, la joue amaigrie, et malade à en mourir. Il faut redire certaines phrases de leur dialogue :

… Je me souviendrai de toi, lui dit elle, au jour du jugement ; au delà de la tombe, je déplorerai ton infortune… Debout ! lève-toi, et consulte les livres de l’inspiration, les oracles de la vierge fatidique et les songes de ton sommeil.

Merlin prophétise avec elle et la nomme « son amie, sa consolatrice, Gwendydd, l’aube de sa journée, l’inspiratrice, le refuge des poètes », et, par ce dernier nom, s’il en fallait croire M. de la Villemarqué, il nous apprendrait qu’en réalité sa mystérieuse interlocutrice n’est autre que la muse bardique.

N’est-elle que la muse bardique ? Pourquoi Merlin n’aurait-il pas eu cette sœur, poétesse et devineresse comme lui, comme lui de race gauloise ? Les