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ÉPILOGUE

pelouses seraient écarlates — la tulipe de Fantasio, par exemple, que nous prenions, au début de ce livre, pour l’emblème de la féerie, est bleue — mais on n’en imagine guère un ou deux et deux feraient cinq.


I


La plupart des contes de fées populaires ignorent les vertus très raffinées ou très éclatantes. Ce qu’ils prisent, c’est la simplicité, la patience ordinaire et quotidienne, la serviabilité, — surtout la serviabilité. Ils aiment aussi la punition des grands et l’élévation des humbles. N’en était-il pas autrement à l’origine, quand on réclamait de la féerie des harpeurs bretons, les exploits d’Arthur, de Lancelot, des compagnons de la Table-Ronde ? Alors étaient glorifiés le courage, la force, l’audace, le souci que les forts affichent de protéger les faibles, la fidélité à une dame. La morale des romans de la Table-Ronde est la morale mondaine d’une époque ; la morale des contes de Grimm est celle des veillées de village, en une Allemagne d’autrefois.

Il y a même, çà et là, dans les contes, un réel essai de justice, mais d’une justice passionnée qui n’est pas toujours exempte de préjugés. Le pauvre Chaperon Rouge aurait échappé au loup s’il n’avait pas manqué aux lois de la prudence et de l’obéissance. C’est que la prudence est une des plus appréciées entre les vertus des campagnes. Figurez-vous ces campagnes désertes. À l’heure du crépuscule, le verrou se tire, les portes se barricadent. Qui sait si