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L’ESPOIR DE KUNDRY

dit le livret, et décrit, avec un geste de suprême ravissement, le signe de la croix. »

Toute la féerie intérieure que l’âme se crée de ses illusions s’évanouit devant le signe austère et sacré de la vérité. Les palais s’écroulent, les jardins se flétrissent, les vaines splendeurs montrent la réalité de leurs oripeaux.

Parsifal est libre et vainqueur. Kundry s’est affaissée, mais le héros qui a compris le mot des destinées lui jette en s’éloignant cette phrase d’espoir : « Tu sais l’unique lieu où tu me reverras. »

Au domaine du Graal, le printemps commence à poindre. Kundry, cependant, qui reposait tout à l’heure au milieu des fleurs de l’illusion, dort au milieu des épines. Elle s’éveille, reprend son office de servante, et murmure : « Servir ! Servir ! »

Parsifal reparaît, la visière baissée, porteur de la sainte lance. Le jour est celui du Vendredi-Saint. Gurnemanz salue Parsifal de ses titres royaux : le Pur, par Compassion Souffrant, Sachant l’acte sauveur. Le héros baptise Kundry qui baisse la tête et pleure. Elle était rentrée dans l’ordre quand, de toute son âme, elle avait prononcé cette parole : « Servir ! »

Servir, c’est la grande loi de l’humanité, et cette morale que l’humanité met, inconsciemment peut-être, dans la fiction, nous en fait souvenir. Qui sait si, dans la pensée profonde du moyen âge, la mystérieuse malédiction qui pèse sur les fées ne provient pas d’un refus de servir, selon la loi du devoir humain ? Elles sont par excellence les reines, c’est-à-dire les esclaves de leur caprice, tandis que les servantes du devoir acquièrent l’auréole de la vieille devise : Servire Deo regnare est.