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LES FÉES DU CYCLE BRETON

Il s’agit ici d’un libérateur caché, d’un mystérieux jeune prince, en qui les Bretons mirent leur espoir pour la déroute des Saxons.

De l’inspiration des Pommiers on pourrait rapprocher celle des Pourceaux. Les Pourceaux, comme les Pommiers nous entretiennent d’un mystérieux libérateur, toujours traqué par un ennemi non moins mystérieux. « Écoute, ô petit pourceau, heureux petit pourceau, cache-toi dans un lieu isolé, dans les bois, de crainte des chiens de chasse… Il faut s’en aller de crainte des chasseurs de Mordei. »

Cette curieuse poésie nous a donné les Bouleaux, les Fouissements, le Chant diffus du tombeau, et surtout d’imposants Dialogues, l’un de Merlin avec Talgesin, et deux autres dont le plus célèbre est celui de Merlin avec sa sœur Ganieda.

Talgesin, comme Merlin, était un barde fameux de la vieille Bretagne, et son souvenir était demeuré dans la mémoire des Bretons. Ils faisaient de lui un chrétien, disciple de Gildas. Ce fut l’imagination de la postérité qui favorisa Merlin d’une célébrité plus grande que celle de Talgesin. Le douzième siècle, en s’occupant de Merlin, se rappela Talgesin, et se plut à confronter ces deux poètes. On raconte même que Talgesin vécut dans la solitude avec Merlin et Ganieda.

Le Dialogue de Merlin et de Talgesin, ces deux bardes bretons, ne ressemble guère, on le conçoit, aux légers chants alternés des pastorales grecques. Il est lourd, obscur, profond et douloureux. Tour à tour, les bardes exhalent une plainte, puis ils exposent leur science. Une plainte, il y en a toujours une, croirait-on, au fond de ces âmes bretonnes, sorte de