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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

l’on n’en sache rien, et qui ne sait pas résister à la plus folle de ses fantaisies, Andersen l’opposerait volontiers à la petite marmitonne qui, seule, de tous les habitants du palais impérial de Chine, connaît le chant du rossignol. Cette marmitonne est encore une favorite d’Andersen. Elle vit humblement de naturel et de vérité. Et, après sa journée de labeur, la petite marmitonne entend la délicieuse cantilène du rossignol. Mais nul, parmi les courtisans, ne connaît cette mélodie. Il est de pures joies qui sont réservées aux simples. Or, l’empereur de Chine, ayant lu, dans un livre savant offert à Sa Majesté par l’empereur du Japon, un éloge du rossignol, s’informe de ce merveilleux chanteur, ordonne qu’on le découvre et qu’on le lui apporte. Et c’est la petite marmitonne qui révèle l’endroit où niche l’oiseau princier. Il chante, ravit l’empereur et la cour, jusqu’au moment où l’empereur du Japon offre à son illustre frère un rossignol artificiel qui chante comme une boîte à musique.

Aussitôt les courtisans de préférer l’artificiel au naturel, selon leur métier de courtisans, et le maître de chapelle est de leur avis. « Il garde très bien la mesure : on dirait qu’il est mon élève. » Ce maître de chapelle est de l’école de tous les pédants, et Andersen n’a point de vénération pour l’art artificiel et patenté. La mesure est une bonne chose, mais le génie vivant a le droit de la modifier. Aussi la fin du conte nous montrera-t-elle la victoire du naturel sur l’artificiel, du vrai rossignol sur le faux.

Certaines gens ne s’émeuvent que pour des paysages de décor en carton peint, savamment éclairés par un jeu de lampes électriques ; ils n’aiment que les visages et les esprits maquillés. Il leur faut des