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LES FÉES DU CYCLE BRETON

d’un déguisement nouveau ; Merlin fit trois prédictions différentes, ce qui réjouit Ganieda, et rassura son mari : celui-ci ne se demanda point si ces apparentes contradictions ne cachaient pas quelque sombre et profond secret du destin.

Sans doute, si tendre sœur qu’elle fût, Ganieda comprit, après cette expérience, que Merlin n’était plus fait pour le séjour des cours. Il retrouva sa chère forêt de Calidon, l’amitié des arbres et l’intimité des loups.

Une version de sa légende raconte que, s’éloignant de nouveau, il avait autorisé sa femme, la douce Gwendoloena, à célébrer un second mariage, mais il aurait ajouté : « Que ton nouvel époux se garde bien de paraître devant mes yeux : il lui arriverait malheur. » Au jour de la noce, Merlin accourut, escorté de tous les animaux sauvages de la forêt, et le marié, de la fenêtre, contemplait ce spectacle en riant aux éclats. Furieux, le barde tua son successeur prématuré. Il ne commandait pas à son cœur ; il n’en était même pas le devin.

Merlin prêterait donc les bois aux palais des hommes. Par ordre de sa sœur, on lui construisit, dans les solitudes qu’il aimait, un château dont les soixante-dix portes et les soixante-dix fenêtres lui permettaient d’observer aisément les étoiles, et cent quarante scribes s’évertuaient sous sa dictée à retracer ses prophéties.

Quelle que fût la destinée réelle du vieux barde breton, le moyen âge s’engoua de ses prophéties supposées. Geoffroy de Monmouth y consacra le septième livre de son Histoire des Bretons. Au douzième siècle, d’étranges poèmes couraient sous le nom de Merlin. Il y avait ce chant des Pommiers dont