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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

Jean-Paul. Impressionnable, sensible à l’excès, et — il faut l’avouer — puérilement vaniteux, il souffrait au contact des hommes. D’autres eussent été endurcis par sa rude enfance, il n’en fut pas de même pour lui. Son cœur était aimant. Cette enfantine vanité fut peut-être la seule tare que lui laissèrent les humiliations subies. Il recherchait la solitude, puis il s’en fatiguait, il en souffrait. Il composa le roman de l’Improvisateur qui lui procura quelques succès. Par le Briquet, le Grand et le petit Claus, il inaugura la série des contes. Mais il ne fut pas compris du premier coup. Les critiques refusaient de le prendre au sérieux. Ce n’était pas leur faute : ils avaient probablement leur système, et Andersen échappait à tout système défini et classé. Aussi disaient-ils qu’Andersen travaillait par « instinct ». Les systèmes sont le fruit de l’intelligence, le talent aussi. Mais Andersen avait grand tort de se peiner pour ce mot instinct qui lui paraissait inférieur : le génie est, en quelque sorte, l’instinct de l’âme, et il y avait une lueur de génie sur le front du conteur danois. Il écrivait aussi des romans, des récits de voyage, de courts poèmes : les Mélodies du cœur, que Grieg a mis en musique.

Il fut donc poète, acteur, auteur dramatique et surtout conteur, conteur délicieux et incomparable, inimitable ; tout ce qu’il avait appris de la vie dans son existence rêveuse et tourmentée, il le mit dans ses contes.

Aussi ses contes apparaissent-ils comme la somme d’une vie humaine. Il faut reconnaître Andersen lui-même dans la petite marchande d’allumettes à qui personne ne fait l’aumône, et qui, la veille du nouvel an, erre, pieds nus, parmi les rues bruyantes et les