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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

« La vierge des glaces l’a emporté », dit-on au petit Hans. C’était une façon populaire de nommer la mort. Si jeune qu’il fût, l’enfant devait conserver le souvenir de ce père étrange, qui lui avait construit un théâtre et lu les Mille et une Nuits. Du reste, la vieille petite ville était pleine de légendes. Le futur conteur s’en allait aux veillées où filaient les vieilles femmes, pour écouter leurs fantastiques récits. Il avait lui-même une aïeule aux yeux très doux qui vivait de peu et contribuait à cultiver le jardin de l’hospice où étaient internés les fous, jardin contigu au logis des Andersen. Parfois le petit Hans y accompagnait sa grand’mère. Il la voyait courbée sur les mauvaises herbes qu’elle arrachait. Hélas ! Aucune main humaine était-elle assez puissante pour arracher les mauvaises herbes de folie qui croissent par le monde ?

La veuve Andersen, mère de notre héros, ne connaissait pas les lois morales. Elle vécut avec un homme qui la faisait durement travailler et ne pouvait souffrir le petit Hans. Elle était laborieuse à la façon d’une bête de somme. Ne sachant pas se révolter, et l’alibi du rêve lui manquant, elle se mit à boire sous les yeux de l’enfant qui l’aimait. Étrange chose que l’âme humaine ! Toutes les affections froissées, tous les sentiments meurtris du pauvre petit ne servirent qu’à lui donner ce je ne sais quoi d’ineffable qui demeure toujours au fond des âmes de vaincus. Mais son imagination resta pure comme le ciel d’une de ces belles nuits d’hiver qu’il aimait à contempler.

Cette enfance danoise est aussi différente de l’enfance napolitaine de Basile, de l’enfance vénitienne de Gozzi, de l’enfance parisienne de Perrault, que