Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/384

Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
LA VIE ET LA MORT DES FÉES


I


Andersen naquit à Odensée dans l’île de Fionie en 1805 — la même année que notre Eugénie de Guérin, qui aima, elle aussi, l’enfance et le rêve.

Nous avons, de la main du conteur, la description de cette nature humble, dénudée, d’aspect ingrat : plaines sablonneuses, côtes basses et, pour ainsi dire, noyées ; mer grise et plate, éternellement cachée dans la brume ; de ces sites dont les voyageurs se détournent, mais que leurs habitants, après y avoir séjourné, portent on ne sait pourquoi toujours dans leur âme. Son père était cordonnier. Pendant que la main du cordonnier Hans Andersen clouait le cuir, son cerveau rêvait un rêve interrompu, pareil à la mer brumeuse où se perdait le regard. L’existence était dure ; il avait connu des revers de fortune, et la femme qu’il épousa avait été mendiante. Avant son mariage, elle avait eu une fille, et Hans-Christian Andersen naquit deux mois après que ses parents eurent légitimé leur union. Le cordonnier Andersen n’avait que de faibles ressources pour acquérir un mobilier ; en guise de lit, il acheta, dit-on, un vieux catafalque. C’est là que notre conteur fît son entrée dans une vie où plus d’une fois le pauvre apporta de magnifiques trésors. Le cordonnier Andersen semble s’être lassé de son métier, de son ménage et de son rêve. Sa misérable chambre était ornée d’une gravure de Napoléon qui lui conseillait peut-être la vie active. Il voulut en essayer, quitta sa maison, se fît soldat, et cependant revint mourir auprès des siens.