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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Après le rêve, après la joie, après la souffrance, la voix de la sagesse murmure : « Allons, reprends ta quenouille. » Comme s’il ne s’était rien passé… Oh ! non, pas comme s’il ne s’était rien passé ! L’âme, quand elle ne succombe pas, a la faculté de s’enrichir à mesure que la vie coule sur elle, et la main qui reprend la quenouille est parée d’invisibles joyaux. Quel sens profond recèlent ces mots : « Allons, reprends ta quenouille ! » N’est-ce point le sens même de la vie ? Ce n’est ni classique, ni romantique : c’est humain, chaudement, vaillamment et délicieusement humain.

La féerie de George Sand est très particulière en ce qu’elle s’encadre dans la réalité ; cette tante Colette n’est pas fée ; les nuages qu’elle file sont des écheveaux de lin auxquels le langage du pays donne ce surnom poétique, et Catherine apprendra son secret, l’humble et magnifique secret des travailleurs.

« Allons, reprends ta quenouille… » Quel que soit le contenu des parenthèses qui s’ouvrent et se ferment entre le moment où l’on dépose sa quenouille et celui où on la ressaisit, ces mots-là donnent un rythme à une existence. Et la grande laborieuse qu’était George Sand le savait. D’autres diraient : Reprends ta quenouille ou ta plume, ton ciseau ou ton marteau, et que toute la vie joyeuse ou douloureuse passe entre les fils de tes écheveaux, les mots de ton manuscrit, les coups de ton marteau, les trouvailles de ton ciseau… Démêle les fils de tes écheveaux à l’heure  où te viendra la tentation trop ardente de démêler ton âme, car tu risquerais de briser un fil autrement précieux. Que ton esprit se laisse gagner par la patiente résignation de ta main… La souffrance te