Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/376

Cette page a été validée par deux contributeurs.
364
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

berger. Elle comprend les rêveries de l’enfant que la pratique Sylvaine, mère de la petite, ne comprenait pas. Et cependant Colette est pratique à sa façon, car elle a gagné une fortune par l’adresse avec laquelle elle sait exercer son métier de fileuse.

Catherine goûte délicieusement le séjour auprès de sa tante Colette. Comment est-elle devenue riche ? dans le pays, on l’appelle la grande fileuse de nuages. C’est un joli nom et qui convient à une fée… Catherine s’en étonne… un peu, mais pas beaucoup : « Je m’étais toujours doutée qu’on pouvait manier ces choses-là. »

Sylvaine, la mère, se moque, mais la tante Colette ne sourit point : Colette raconte que son beau nuage rose s’est changé en tonnerre. « Voilà, dit Madame Colette, ce que c’est que de ne point se méfier des ingrats. Il faut se méfier de tout ce qui change, et les nuages sont ce qu’il y a de plus changeant dans le monde… » Et la douce vieille femme montre à sa petite nièce une floche d’écheveaux si blancs et si fins que les fils semblent n’être épais que d’un dixième de cheveu. Catherine qui est une bonne petite fileuse sent naître une ambition nouvelle : celle de filer des nuages. Elle rêve d’apprendre le secret de la grand’tante. Elle savait tant de choses, cette grand’tante :

« Moi aussi, j’ai été enfant, et j’ai rêvé d’un nuage rose. Et puis j’ai été jeune fille, et je l’ai rencontré. Il avait de l’or sur son habit et un grand plumet blanc…

— Qu’est-ce donc que vous dites, ma tante ? Votre nuage était habillé ? Il avait un plumet ?

— C’est une manière de parler, mon enfant ; c’était un nuage brillant, mais ce n’est rien de plus. C’était l’inconstance, c’était le rêve. Il apportait l’orage, lui