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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

cieuse : il est un battement de cœur qui, lui, ne vieillit pas. Et son imagination parfois charmante ressemblait à ces beaux couchants qui ont des couleurs d’aurore attendrie.

Certes, elle avait dû croire aux fées : elle avait cru à tant d’autres choses aussi fictives, moins aimables et plus décevantes ! Et, lorsqu’elle avait imaginé de gagner péniblement sa vie, il semblait qu’une fée lui avait octroyé ce don extraordinaire et merveilleux. Le souvenir des fées hantait sa Petite Fadette, qui leur avait volé leur nom. Il y a de la féerie dans l’Homme de neige, ou dans les Dames vertes. Et George Sand, elle-même, pour les paysans ses voisins, devenait une sorte de bonne fée. Deux de ses contes, le Château de Pictordu et le Nuage rose, paraissent éclairer d’un jour singulier sa manière de concevoir la féerie.

Le château de Pictordu, c’est le château romantique. George Sand, avec une grâce vieillotte, nous charme par la sensibilité qui s’émeut en elle à l’aspect des ruines. Elle est de son temps et de son pays, malgré l’atavisme mêlé et les influences étrangères. Déjà, chez Perrault, se dessine le côté rationnel des fées françaises. Chez George Sand, elles veulent encore moins contrarier la raison — cette pauvre raison que le romantisme a cependant familiarisée avec des chimères plus redoutables, — et elles se réfugient dans l’imagination. Les féeries de cette aïeule sont des rêves, et les rêves sont plus merveilleux et plus incohérents que les féeries. La petite Diane du Château de Pictordu voit se détacher de la muraille une nymphe gracieuse au visage effacé. Celle-ci la promène dans le château, non plus en ruines, mais reconstruit en une seconde, avec