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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Il y a toujours plus ou moins de romantisme dans les fées ; la Table-Ronde est follement romantique ; les chansons de geste ne le sont pas, et Dante ne l’est pas non plus ; il appelle les magiciennes ou les fées « de tristes femmes », et rien de moins romantique que l’amour dont il aime Béatrice :

« Son image était de si noble vertu, qu’elle ne souffrit jamais que l’amour me gouvernât sans le fidèle conseil de la raison, dans les choses où il est utile d’entendre un tel conseil. »

Velléda ne gardera pas longtemps ses cheveux noués à la grecque. « Dans ce moment, un char paraît à l’extrémité de la plaine ; penchée sur les coursiers, une femme échevelée excite leur ardeur et semble vouloir leur donner des ailes… » La muse romantique est échevelée. Velléda est une sœur de Morgane, et Chateaubriand appartient à la race de Merlin, car il sait user comme lui des prestiges. Sa nature de Celte a dû l’attirer toujours vers les fées, et n’en était-ce point une que la sylphide des bois de Combourg, voisins de la forêt de Brocéliande ?

Ne pourrait-on dire, en somme, que si cette druidesse et cette sylphide furent les dernières fées de la Bretagne, Chateaubriand qui les évoqua compte parmi les derniers enchanteurs ? Il suit, pour Velléda, la tradition qui veut que les fées soient savantes, et nous la montre, ainsi que Viviane et Morgane, « mise aux lettres », même aux lettres grecques. Comme fond, il lui donne les âpres paysages que hantent les voix furieuses ou plaintives de la mer, les plaines où les dolmens alignés selon les rites druidiques dessinent toujours la forme des cortèges disparus, et l’on reconnaît à son accent qu’il vient de la terre de Velléda, que l’âme de cette terre palpite en lui.