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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Les autres peuples vinrent demander à ces Bretons l’aumône de leur rêve, et s’en approprièrent les héros. J’avoue, cependant, que je préfère au Merlin de Brocéliande et de Viviane le Merlin primitif, le barde qui finit en sauvage dans la forêt écossaise de Calidon. À lui le Ciel pitoyable ménage des rencontres délicieuses avec de vieux saints celtiques, tout pleins de miséricorde. C’est lui, d’abord, que nous allons rechercher.


I

LE BARDE MERLIN


L’imagination des peuples vaut celle des plus grands poètes. Le Merlin populaire de la vieille Bretagne, à peine dégagé de la matière brute des légendes, aspire à la figure d’un héros de Shakespeare, et nous rappelle ces personnages de Michel-Ange, inachevés, à peine ébauchés dans le marbre, qui, sous le nom d’esclaves, veulent, semble-t-il, représenter le désir confus de la matière pour la forme.

Certains le crurent fils d’une vestale et d’un consul romain ; d’autres le dirent fils d’une vierge chrétienne et, selon leurs croyances, d’un génie païen ou d’un esprit réprouvé. C’est lui qui symbolise les luttes religieuses de la Bretagne. D’après la légende, il aurait vécu sous beaucoup de rois ; dès sa plus tendre enfance, il se serait signalé par des prodiges à la cour du tyran Wortigern ; les plus