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LA VIE ET LA MORT DES FÉES


II

LA BELLE DAME SANS MERCI


Keats est mort tout jeune, et, plus que la féerie, il a aimé le paganisme. Il a aimé les vases antiques, les amphores harmonieuses ; il est le chantre d’Endymion. Il a le sentiment grec de la beauté. Par des vers intraduisibles, il nous a dit, en mots anglais, la joie éternelle qu’inspire tout objet de beauté.

Un jour, Keats a brisé le radieux sanctuaire de son paganisme, il l’a brisé pour l’élargir, et pour y faire entrer quelque chose de l’héritage dont les siècles ont enrichi le sentiment humain. Ce jour-là, Keats écrivit son ode à la Mélancolie. Mais il effleura le monde féerique dans la Ballade de la Belle Dame sans merci, l’une des plus musicales de la langue anglaise.

La Belle Dame sans merci est musicale de forme et de fond. De forme par la suavité du rythme et des vers. De fond, parce qu’elle nous laisse la même impression qu’une délicieuse mélodie sans paroles. Nous savons que nous avons été enveloppés d’une influence exquise, tel un souffle, tel un parfum, mais les mots se sont comme fondus et noyés pour échapper aux moules précis de notre mémoire.

Keats a volé ce titre : la Belle Dame sans merci, à notre vieux poète Alain Chartier. Il est vrai qu’une Merciless Beauty fut attribuée à Chaucer. La Belle Dame sans merci, de Keats, est une fée. Elle a la beauté d’une fée, et, par une chanson féerique, elle