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LA FÉERIE POÉTIQUE EN ANGLETERRE

roulée dans l’azur, dans l’éther, parmi des jardins d’étoiles et de roses, en proclamant la joie éternelle que donne la beauté.

C’est un poète-fée que Shelley. Sa plus belle féerie est dans le Nuage et dans l’Alouette, et si l’une ou l’autre avait une voix et une âme, ce nuage et cette alouette ne feraient pas entendre d’autres accents. Les métamorphoses des vieilles féeries sembleraient enfantines et superficielles à côté de cette identification d’un être humain avec des formes ailées et impalpables. L’alouette et le nuage expriment toute la religion de Shelley : l’aspiration à la joie désincarnée, planante et chantante ; le désir d’une immortalité faite d’une renaissance perpétuelle dans ce que la matière à de plus léger, de plus subtil, de plus fluide, de plus lumineux, mais, cependant, pas au delà. Il voudrait, semble-t-il, aider à la dissolution de son être, à l’évanouissement de son âme. Ce que l’âme met dans les chants humains de douloureux et d’irréalisable ici-bas, le trouble et l’obsède, et il ne veut pas comprendre qu’il y a, dans cet écho de ses abîmes, la soif, le pressentiment et l’indice d’une beauté supérieure.

Plus encore que dans sa Sorcière d’Atlas qui, fille d’une Atlantide, est assise sur un trône d’émeraude, ou montée sur un char, et représente la fée des rêves humains, des rêves heureux, Shelley, le poète-fée, dans la Sensitive ou dans l’Hymne au vent d’ouest, donne aux réalités les plus humbles ou les plus solennelles les apparences de la féerie.

Shelley vécut en poète-fée qui s’affranchit des lois morales ; il vécut en être de caprice et de fantaisie. Son dogme était toujours un fanatique anticléricalisme, mais ce dogme n’avait rien à voir avec sa