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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

retourner à ses premières demeures des eaux, et ne reparaître que pour apporter, contre son gré, la mort à celui qui trahit son amour.

Loreley, autre fée des légendes germaniques, est également une victime de l’amour. Fille d’un pêcheur, elle fut enlevée, puis abandonnée par un chevalier, le comte Udo. Elle était merveilleusement belle. Le dieu du Rhin lui apparut et lui offrit de l’associer à la vengeance qu’il voulait tirer des hommes, pour les punir d’avoir abandonné son culte et d’être devenus chrétiens. Loreley, parée de toute sa beauté, devait s’asseoir au sommet d’une roche, et chanter de sa voix ensorcelante, afin d’attirer à leur perte les pauvres bateliers. Son cœur se fermerait à toute pitié, car, s’il laissait pénétrer en soi quelque ombre de ce sentiment, le charme serait rompu ; Loreley périrait, et le dieu du Rhin périrait avec elle. Loreley consentit à jouer ce rôle, et la fille du pêcheur devint la fée du Rhin. Grand fut le nombre de ses victimes, mais elle attendait toujours le comte Udo ; le comte Udo mit longtemps à venir. Il vint cependant, accompagné du jeune pêcheur Arnold, qui aimait Loreley et l’avait défendue contre les médisances, et Loreley sentit son cœur s’émouvoir de pitié pour le jeune pêcheur : sous l’influence de cette pitié, la fée pardonna même au comte Udo. Le comte Udo et le pêcheur Arnold furent engloutis, mais le dieu du Rhin parut, annonçant à Loreley qu’il allait périr avec elle ; et jetant dans les flots sa fatale harpe d’or, elle s’y précipita.

Henri Heine a chanté Loreley :

« Je ne sais ce que veut dire cette tristesse qui m’accable ; il y a un conte des anciens temps dont le souvenir m’obsède sans cesse. L’air est frais, la