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LA FÉERIE ALLEMANDE : LES GRIMM

voyageur paie la somme due, et y ajoute ce qui semble nécessaire à l’ensevelissement du malheureux.

Grâce à la protection de ce mort inconnu, Wilhelm accomplira sa tâche immense et difficile. Les obstacles seront aplanis, il ira dans la montagne de verre, il y retrouvera sa femme. Dans ce fouillis de traditions inextricablement mêlées, ne semble-t-il pas que se jouent quelques bribes de l’antique légende d’Orphée et d’Eurydice ? mais la croyance au dogme du Purgatoire, aussi, y est peut-être symbolisée par ce vivant qui acquitte la dette de ce mort, et par ce mort qui protège ce vivant. Tel qu’il est, ce conte a, peut-être, cent ou mille auteurs ; chaque âme qu’il a traversée y a mis de son empreinte et de ses préoccupations. L’acte de Wilhelm — un acte de miséricorde — opère des résultats merveilleux. Tout un peuple est délivré avec la princesse. Des villes englouties surgissent de nouveau, et reparaissent, avec leurs habitants, après la destruction de la montagne de verre. La mer, paisible et déserte jusqu’alors, se couvre de bateaux. Un bizarre enchantement pesait sur cette contrée, sur son roi, sur sa princesse, fille de ce roi, qui n’était autre que la femme-cygne, car si les femmes-cygnes sont ailleurs des Walkyries ou des fées, celle-ci n’est autre qu’une princesse enchantée. La fée du conte serait plutôt l’odieuse petite vieille, fée ou sorcière, qui s’évertue à empêcher Wilhelm d’atteindre son but, et qui, vaincue, se brise comme sa montagne. Quelle signification étrange recèle donc ce vieux récit ? Cet enchantement, cette montagne de verre, ne représentent-ils pas l’image d’une opprimante et fragile tyrannie ? Une aïeule mystique y ajouta peut-être