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LA FÉERIE ALLEMANDE : LES GRIMM

prétexte que Cendrillon n’a pas de parure convenant à la fête, et quand elle est partie avec ses méchantes filles et son pauvre mari, la pauvre abandonnée s’approche du coudrier qui fleurit sur le tombeau de sa mère : « Petit arbre, dit-elle, remue-toi ; secoue-toi ; verse or et argent sur moi. » L’oiseau blanc paraît et lui jette une robe d’or et d’argent, des pantoufles brodées de soie et d’argent. Le lendemain, il lui jettera une robe encore plus étincelante et plus splendide, avec des pantoufles d’or. On connaît le bal de Cendrillon, l’apparition de la merveilleuse inconnue, l’étonnement de la marâtre et de ses filles, l’amour du jeune prince, la fuite de Cendrillon, éperdue à l’approche de minuit. Le conte allemand fait donner par le roi l’ordre d’enduire de poix l’escalier de son palais afin d’arrêter, le dernier soir, la course de sa bien-aimée. Cendrillon se sauve quand même, en abandonnant une de ses pantoufles retenue par la poix. Cette pantoufle fera sa fortune, elle lui devra la royauté. Chez Perrault, le dépit ressenti par les ennemies de Cendrillon suffisait à la venger : c’était un terrible sentiment que le dépit chez les courtisans de Louis XIV, et la France du dix-septième siècle semble n’avoir pas exigé d’autre châtiment. La naïve et populaire Allemagne de Grimm paraît moins susceptible, moins sensible aux maux imaginaires ; elle veut des châtiments barbares et réels. Il y a d’abord le malheureux stratagème des deux sœurs : l’une coupant son orteil, l’autre son talon, afin d’adapter leur pied à la mesure de la précieuse pantoufle, et, quand elles suivent, avec leurs pieds inutilement mutilés, le cortège de la mariée, les pigeons amis de Cendrillon leur crèvent les deux yeux.

Blanche-Neige et Fleur-d’Épine sont quelque peu