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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

salon parlent le langage outré de la mode, sont furieux du changement de temps, et distinguent des mondes de différence entre deux nuances d’une même couleur.

Mais Zirphile et Acajou se rencontrent, s’aiment. Zirphile, selon la prédiction des fées, devient spirituelle et intelligente en aimant. Cela n’empêche pas qu’ils subissent encore beaucoup de traverses et de mésaventures, pour déjouer la ligue que forment contre eux le génie Podagrambo, les fées Harpagine et Envieuse, d’autant que ce pauvre Acajou perd le sens commun en gagnant trop d’esprit à se promener dans le monde des idées, dont il mange les fruits périlleux. Il se trouve, çà et là, des détails bizarres ; ainsi la tête de Zirphile est momentanément séparée de son corps, sans qu’elle doive pour cela mourir ; les mains de Nonchalante, également séparées de leur propriétaire, parce que celle-ci négligeait de s’en servir, doivent aider Acajou à délivrer sa princesse. Il y parvient ; la tête de Zirphile rejoint le corps de Zirphile et retrouve sa place. Les mains de Nonchalante sont restituées à leur propriétaire, et, voulant s’occuper, elles passent leur temps à faire des nœuds. Les noces de Zirphile et d’Acajou sont magnifiquement célébrées, et, comme dans beaucoup d’autres contes, les héros ont de nombreux enfants. Que de malignes remarques devaient faire sourire les initiés ! Qui donc était-elle, cette jolie fée Ninette à lunettes et à béquille, si fort éprise de son salon littéraire ? Et quelle critique des menus passe-temps féminins dans ce travail des mains de Nonchalante occupées à faire des nœuds ! Et quel frisson de terreur si l’on se dit que, un demi-siècle environ après l’apparition d’Acajou, tant de têtes furent promenées