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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

Le peu charitable abbé insinue qu’elles pourraient bien confier leur besogne à leurs soupirants : Quelqu’un se chargerait des vers, quelque autre de la prose. Malgré les critiques plus ou moins justifiées de l’abbé de Villiers, les contes imaginés par des femmes prirent leur vol à travers le monde…

Hamilton, par condescendance ou par moquerie, cédait à l’entraînement général et composait aussi des féeries absurdes et charmantes, pleines de péripéties et d’intrigues, dépourvues de suite, et même de sens. Il préférait ce genre au Télémaque de Fénelon, qu’il critiquait en vers malicieux.

La vogue qu’il eut dura peu,
Et las de ne pouvoir comprendre
Les mystères qu’il met en jeu,
On courut au palais les rendre,
Et l’on s’empressa d’y reprendre
Le Rameau d’Or et l’Oiseau Bleu.

Hamilton, l’auteur du Chevalier de Gramont, écrit négligemment une prose exquise et achevée : il la met sur la trame légère de ses folles histoires, comme d’autres mettront une musique délicieuse sur des paroles futiles. Puis il jette sur tout cela de l’amour, en veux-tu, en voilà, et c’est toute une fusée de princesses, de sorcières, d’enchanteurs, de fées, d’animaux merveilleux : « Mes bons amis, puisque vous aimez l’invraisemblable, je vous en donne sans compter. » On veut inventer des légendes. Mme de Gramont, sœur d’Hamilton, trouve peu de poésie au nom que porte sa terre des Moulineaux ; qu’à cela ne tienne : son frère improvise le conte du Bélier où l’on voit un vieux druide, une princesse incomparable, un géant terrible, aussi bête que méchant,