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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

forme du serpent — est-ce un souvenir de Mélusine ? — ne se console de cette épreuve qu’en adoucissant autant que possible le sort de leurs victimes. Jamais, dans aucun livre, on ne vit tant de couples amoureux que dans celui-là, mais jamais ils ne furent en butte à des circonstances si bizarres et si invraisemblables ! Cette d’Auneuil qui se montre ainsi une contemporaine précoce du dix-huitième siècle, déguise une fée en nymphe, dans son récit de l’Inconstance punie, ce qui n’empêche nullement l’Inconstance punie d’être un véritable conte de fées. Si elle punit l’inconstance, son humeur n’a rien de farouche, et elle réserve ses traits pour les femmes vertueuses qui font honneur à leur vertu de la correction de leur conduite, quand elles devraient, en réalité, l’attribuer à la seule horreur qu’elles inspirent…

Ces conteuses légères et un peu folles, à l’imagination débridée, eussent scandalisé leurs mères, leurs tantes et leurs aïeules. Parmi les femmes de la génération précédente, âmes fines, élégantes, pensives et un peu sévères, on aurait moins goûté ces fantaisies, étincelantes et légères, comme des mousselines pailletées ! Les femmes de cette génération-là avaient écrit pour leur cœur, leur pensée, leur âme, telles Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, les sœurs et la nièce de Pascal, ou la pénitente La Vallière. Et la vraie beauté les favorisait d’un de ses rayons. De ces deux littératures, l’une diffère autant de l’autre qu’un madrigal coquet diffère d’une poignante tragédie. Car il y a des mots profonds, même sous la verve éclatante de l’épistolière marquise ; et l’on serait fort embarrassé d’en chercher parmi les œuvres de ces sœurs jumelles de la féerie (leurs deux volumes parurent la même année, en 1698, comme les Contes