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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

temps ». Et, comme Ravissante souffre et s’inquiète, il lui donne le papillon pour confident. Or, le prince des Papillons est l’ami du prince des Feuilles et vient à son aide. Il est, lui, fils du soleil et de la rose aux cent feuilles, souverain de l’île des Papillons où s’aimèrent Flore et Zéphyre. C’est lui qui délivre Ravissante comme le prince des Feuilles avait auparavant délivré sa propre bien-aimée. Ariston désespéré se précipite dans la mer ; et le rocher de turquoise qui, en verdissant, apprend au malheureux qu’il n’est pas aimé, se brise pour former les petites turquoises si sensibles aux influences du cœur, et dont les modifications feront le tourment des amoureux.

Quand la conteuse a-t-elle imaginé ce conte ? Est-il vrai qu’elle l’improvisa un soir d’hiver, au coin du feu, pour distraire ses auditeurs du vent qui souffle dans la cheminée ou de la pluie qui ruisselle sur les toits ? Ou bien est-ce le rêve d’une matinée de printemps, et le titre lui conviendrait assez : Rêve d’une matinée de printemps, où une jeune femme paresseuse et rêveuse, voyant le ciel bleu sourire à l’eau bleue, les roses s’épanouir et les papillons danser leur éternel menuet, n’aurait eu qu’à mettre un peu d’amour dans tout le paysage pour composer le Prince des Feuilles. Car il y a dans ce petit conte une sorte d’ivresse de la nature, qui nous frappe sous le voile transparent de la fiction. Et nous serions tentés d’aimer Mme de Murat d’avoir elle-même tant aimé le printemps, le soleil, les feuilles, les roses, les papillons, qu’elle prit sans doute aussi pour confidents de légers chagrins.

Elle en eut sans doute, des petits et des grands, et ne s’y attarda guère, car ce fut une folle créature. Le dix-septième siècle finit assez mal, et de spirituelles