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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

le mirage d’un rêve éclatant. Les âmes sont toujours un peu des reines captives, et combien d’entre elles passent doucement une vie obscure, tout simplement parce qu’elles chérissent un petit oiseau bleu de rêve et d’idéal !

La jolie idylle du Prince Lutin pourrait avoir inspiré la Princesse de Tennyson. Un royaume virginal où règne une belle princesse, que défendent des amazones, et dont nul homme ne peut approcher, c’est l’Île des Plaisirs tranquilles. L’amour en est exilé. Il y a là de charmants tableaux et de jolies réflexions assaisonnées d’un grain d’esprit du meilleur goût. « Puisque n’ayant jamais vu que cinq hommes, déclare la suivante Abricotine, sauvée de ses persécuteurs par le prince Lutin, j’en ai trouvé quatre si méchants, je conclus que le nombre des mauvais est supérieur à celui des bons, et qu’il vaut mieux les bannir tous. »

Ce prince Lutin a le don de se rendre invisible tout comme le héros de Wells ; seulement le personnage créé par Mme d’Aulnoy tient ce don de la munificence d’une fée, tandis que le héros de Wells bénéficie d’une prétendue invention scientifique. Le prince Lutin et l’Homme invisible auront chacun leurs partisans. Et comme il est plus simple d’imaginer le don d’une fée que d’entrer dans le mystère des applications scientifiques que prétend réaliser le héros moderne ! Toutes les gymnastiques du cerveau sont bonnes lorsqu’il s’agit de comprendre une invention réelle, mais, pour s’amuser — chacun s’amuse comme il l’entend — certains rêveurs aux goûts surannés préfèrent les vieilles fées à la science imaginaire des romans d’aujourd’hui. La princesse qui règne sur l’île des Plaisirs Tranquilles est beaucoup plus