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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

palais de la Chatte-Blanche sont pleines d’ingénieuse fantaisie. Plus tard Mme de Ségur donnera un joli pendant à la Chatte-Blanche dans le conte de Bonne-Biche et Beau-Minon qu’elle a peut-être, elle aussi, été chercher en Égypte, mais je serais portée à croire qu’elle l’a scrupuleusement trouvé dans un petit coin de son inépuisable imagination de grand-mère. Et, si j’avais un conte à choisir pour des petits enfants, j’aimerais mieux leur confier Bonne-Biche que la Chatte-Blanche, car il n’y a qu’innocence, douceur, tendresse, chez Mme de Ségur ; et chez Mme d’Aulnoy, qu’il s’agisse de la Chatte-Blanche ou de Gracieuse et Percinet, on surprend toujours je ne sais quelle veine de cruauté absente aussi chez Perrault, et qui nous inquiète un peu, lorsque nous nous rappelons l’histoire de la dame, peut-être même parce que nous nous la rappelons. Parfois, Mme d’Aulnoy pressent les inventions et les découvertes modernes. Dans la Biche au Bois, le portrait parlant n’est-il pas muni d’un phonographe ? Elle donnerait ainsi raison à cette hypothèse, qui veut que nos vieux contes reproduisent naïvement les souvenirs perdus de quelque civilisation antérieure à l’histoire et très avancée, celle, sans doute, dont allait nous entretenir l’Atlantide de Platon, cette œuvre interrompue et qui allait peut-être se développer en conte de fées.

Quel fut donc le prestige de ces folles et charmantes histoires, capricieuses et dépourvues de sens commun comme des arabesques ? Les faveurs et les disgrâces, les péripéties de santé, se trouvaient négligées dès que, sous le ciel gris de Paris, on écoutait bruire les feuilles du rameau d’or où palpiter les ailes de l’oiseau bleu. C’est que, plus l’existence est grise et terne, plus on aurait besoin de se reposer dans