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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

ses souvenirs maîtrisent son imagination, ou si son imagination ajoute à ses souvenirs. La camerera-mayor de la cour d’Espagne est pareille à une mauvaise fée. La pauvre petite reine, emprisonnée dans l’étiquette, fait songer aux princesses captives. Pourtant elle était jeune, et le roi amoureux d’elle. Cela n’empêcha point la fameuse camerera-mayor la duchesse de Terranova, de tordre le cou au perroquet qui récréait la reine en lui débitant des mots français. La pauvre petite souveraine dévora son chagrin, s’il en faut croire Mme d’Aulnoy. Mais quand vint l’heure du baise-main, la terrible duchesse s’approcha d’elle pour s’acquitter de son devoir, et la jeune femme, devant toute la cour, lui appliqua sur la joue le plus magistral soufflet qu’ait jamais donné la main d’une reine, un soufflet dont l’écho nous réjouit encore après deux siècles. La duchesse de Terranova se releva furieuse, et se mit à rassembler des centaines de cousins et d’arrière-cousins, pour venir demander au roi réparation. Certes, la situation ne manquait point de périls pour une petite reine étrangère. Celle-ci s’en tira avec une irrévérencieuse et spirituelle gaminerie de petite Française. Elle connaissait la coutume espagnole qui veut qu’une femme enceinte puisse se passer toutes ses fantaisies les plus saugrenues. « C’est un antojo’ », dit-on. Le ministre et le roi ne comptent plus. « C’était un antojo, » murmura la petite reine quand le roi fit mine de se plaindre. Il n’y avait plus rien à dire. Le roi embrassa la reine en déclarant : « Tu as bien fait. »

Ne sommes-nous pas au milieu d’un conte de fées ? Le perroquet ne parle point d’amour comme l’oiseau bleu, mais il prononce les mots du pays que per-