Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

ses cheveux blonds, et son âme est pleine de souvenirs secrets qu’elle ne peut confier à personne. Ah ! la triste chose que de se réveiller après cent ans de sommeil ! N’y a-t-il pas au fond du cœur humain des violons qui jouent encore des airs d’autrefois ? Comment les écouter, sans se sentir mourir ?

Toute cette poésie du passé, c’est Perrault qui la fait jaillir, comme d’une source vive, du vieux mythe de la princesse endormie. Les étranges et beaux fiancés s’agenouillent devant l’autel illuminé, pour être mariés par le Grand Aumônier, car leur profond amour ne transige avec aucune des lois de l’étiquette, et ils ne se contenteraient pas d’un aumônier de second ordre. Ainsi qu’il convient, la première dame d’honneur viendra leur tirer le rideau. Nul détail n’est omis. La Belle au Bois dormant et son époux sont de vrais princes qui n’ignorent rien de ce qu’ils doivent à leur grandeur, et qui connaissaient leur métier, avec tous les usages du dix-septième siècle. O Basile, cachez-vous ! Notre princesse oserait-elle entendre l’histoire de sa devancière ? Et vous gnomes de Blanche-Neige, comment vous glisseriez-vous parmi tant d’habits brodés et chamarrés ?

Perrault a la tête pleine de ces usages et de ces spectacles. La méthode de séduction que Barbe-Bleu emploie vis-à-vis de sa future ne diffère pas tant — toutes proportions gardées — de celle par laquelle Louis XIV faisait sa cour à La Vallière, et même à la jolie Madame, à cette heure indécise du cœur dont Madame de La Fayette parle avec un si joli accent ! Tout y est, jusqu’aux plaisanteries qui ne furent pas absolument dédaignées par le grand Roi. Barbe-Bleue ne pouvait mieux flatter la belle qu’en lui don-