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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

grand siècle : cour pavée de marbre, solennelles chambres dorées, lit de broderies d’or et d’argent, salon de miroirs, tel que la princesse de Clèves eût pu y rencontrer M. de Nemours, un peu cousin du salon vitré où, se croyant seule, l’héroïne de Mme de La Fayette attachait des rubans à la canne de son amoureux.

Voilà l’aspect des choses ; il en est de même pour les usages ; les carrosses sont de style, et les laquais ont le meilleur ton. Princes et princesses se parlent dans un langage que l’hôtel de Rambouillet n’eût point désavoué. Leurs phrases ont une grâce délicate, qui fleure Versailles et la cour du grand roi : « Vous vous êtes bien fait attendre, » dit la Belle au Bois dormant à son jeune fiancé. Une infante d’Espagne pourrait accueillir ainsi son prétendu. Bérénice eût salué Titus d’un aussi tendre reproche. Et Riquet à la Houppe rassure la belle et sotte princesse par une phrase dont le joli tour se fût acquis l’approbation de Julie d’Angennes et de ses spirituelles amies.

La vieille fée de la Belle au Bois dormant a pu, dans sa jeunesse, s’appeler la fée Maglore et figurer aux jeux d’Adam de la Halle ; comme Maglore, elle est susceptible, dépitée, et elle s’évertue à gâter la besogne de ses compagnes, mais il ne s’agit plus d’un pauvre tapis. Elle a vu ses compagnes recevoir chacune un couvert d’or massif dans un écrin, mais sur elle on ne comptait pas ; à la dernière heure, on a pu se procurer un couvert de plus, mais l’écrin manque, et la vieille personne se froisse d’une faute de savoir-vivre. Une invitation oubliée, un écrin qui manque, voilà les raisons d’une catastrophe. Les fées de Perrault ressemblent étrange-