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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

martyrs et des reines tragiques, reste en deçà de la vie, quand celle-ci met en scène une Marie-Antoinette. Cela, Fénelon ne peut le prévoir, et, cependant, par les plus beaux jours de l’automne, un frisson de l’air rappelle que l’hiver est proche. Il y eut de pareils frissons dans l’atmosphère de Versailles, à cet automne solennel et parfois troublé de la royauté ! Fénelon s’efforce de faire saisir à son élève le sens mystérieux de l’anneau féerique qui confère un pouvoir supérieur à celui de l’humanité simple, mais qui devient funeste à son possesseur lorsqu’on en use mal, ou, au moins, étourdiment. Cet enseignement n’est que préliminaire ; Fénelon se tient ici dans les petits champs cultivés par la vieille morale humaine, et l’on devine qu’il dévoilera plus tard au duc de Bourgogne des cimes, des océans, l’indicible beauté des horizons surnaturels. Le Fénelon des Lettres de direction, le Fénelon des psychologies ténues, subtiles, ajoutera quelque trait à ces conseils de modération, à ces éloges de la médiocrité, et quand il nous peint les habitants d’une île imaginaire occupés à composer des symphonies de parfums dont ils usent comme de la musique, nous voyons en lui l’homme à qui rien n’est inconnu des coûteuses folies du siècle.

Et maintenant où sont les fées, me direz-vous ? Mais nous avons tout le temps parlé des fées de Fénelon, même en parlant d’autre chose. Elles sont là pour amener les péripéties voulues, les effets désirés, elles servent à l’action du récit, comme les fils aux mouvements des marionnettes ; ce sont elles qui métamorphosent les vieilles reines en jeunes paysannes ou les jeunes paysannes en vieilles reines, à moins qu’étant fées elles-mêmes, les vieilles reines et les jeunes paysannes n’aient la faculté d’échanger