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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE


IV

LES FÉES CHEZ LE DUC DE BOURGOGNE


Fénelon qui, pour son royal élève, se fit fabuliste, composa aussi, sans doute vers 1690, des contes de fées. Plus heureux à cet égard que Louis XIV, le petit duc de Bourgogne, au lieu des solennelles lectures de La Porte, put écouter de charmantes histoires dont la philosophie exquise et désabusée se dissimulait assez pour ne point troubler ses jeux.

Les contes de fées de Fénelon ne sont pas des contes de fées populaires ; il n’a pas été les demander aux nourrices et aux berceuses. La fantaisie ne lui manqua pas, son ingénieuse Île des plaisirs suffirait à en témoigner, et rappellerait au besoin le Voyage dans la lune de Cyrano de Bergerac, mais c’est toujours la fantaisie d’un philosophe. Ces contes de fées appartiennent à un moraliste très délicat, très raffiné, qui juge le monde comme le juge l’auteur de l’Imitation, qui le juge d’autant plus sévèrement qu’il en a connu l’attrait.

Comme le duc de Bourgogne doit être un jour appelé à régner, Fénelon s’attache à lui montrer les limites, les faiblesses, les misères de la royauté. Sans doute elle paraît si grande, si surhumaine, presque divine, dans ce pompeux Versailles où la foule des courtisans rythme son attitude sur les caprices du maître, que le précepteur sent la nécessité de découvrir l’humanité toujours pitoyable, même sous le masque de parade qui s’applique au visage de