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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

mettaient un tapis riant devant les châteaux dentelés et ciselés de la Touraine. Jehan Bourdichon les cueillait pour composer les vignettes du missel de la reine Anne. Mais la cour de Louis XII était austère et dévote. Le rôle que Ronsard leur prête ferait plutôt songer à la guirlande de Julie, car il en tresse une guirlande d’épithalame pour une princesse amie des muses, et il les énumère avec sa grâce accoutumée, leur donnant une place dans son beau panneau décoratif :

Dedans le creux d’un rocher tout couvert
De beaux lauriers estoit un antre vert
Où, au milieu sonnoit une fontaine,
Tout à l’entour de violettes pleine.
Là s’eslevoient les œillets rougissans,
Et les beaux liz en blancheur fleurissans,
Et l’ancolie en semences enflée,
La belle rose avec la giroflée,
La pâquerette et le passe-velours.
Et cette fleur qui a le nom d’Amours…

Cette fée qu’il appelle ensuite une dryade et une nymphe, est, on le devine, emportée en Savoie.

Sa féerie n’est ni dramatique ni romanesque, seulement décorative, telle une frise légère de souples figures qui met un détail exquis, un ou deux vers nonchalants et délicieux, dans l’architecture de son œuvre :

Mainte gentille nymphe et mainte belle fée,
L’une aux cheveux pliez et l’autre descoiffée…

En somme, ici, l’une des deux apparaît plus majestueuse que l’autre. Laquelle a ses « cheveux pliez », c’est-à-dire ordonnés et parés, avec des cordons de perles, peut-être, s’entremêlant à leurs torsades ?