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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Et c’est Robin Chevet que l’on écoute. Je vois l’intérieur de sa chaumière éclairée comme un Gérard Dow par les lueurs du foyer. Chacun utilise ces lueurs pour sa besogne. Robin tourne le dos au feu, taillant du chanvre ou raccommodant ses bottes, et, parfois, entonne un refrain que reprend Jouanne sa femme, occupée à filer, « le reste de la famille ouvrant chacun en son office ». Les uns adoubent des courroies ; les autres aiguisent des dents de râteau ; d’autres encore fabriquent un fouet. Mais Robin est chef de famille ; il va conter et le silence se fait. Il dit « un beau conte du temps que les bêtes parlaient ». Le renard est un de ses héros favoris ; que de tours fripons, mais divertissants, il est facile de lui prêter ! Le loup-garou hante aussi sa mémoire, et la grande fée du Poitou, Mélusine, se promène dans ces parages bretons. Mais il y a des petites fées anonymes et locales que Robin se flatte de connaître. Ce Robin est un peu hâbleur… Dehors, c’est peut-être la longue nuit d’hiver, et la bise qui rôde par la campagne expire au seuil de la chaumière avec des airs de frapper à la porte. Elles ne sont peut-être pas si loin, les bêtes des contes, le renard et le loup. Affamées, elles s’approchent du village.

Sur le Noël, morte saison,
Lorsque les loups vivent de vent,
Et qu’on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison,


comme chante délicieusement Villon, notre vieux poète.

La famille de Robin se resserre, mais Robin ne se démonte pas ; il entame le conte de la Cigogne, l’oiseau voyageur qui rapporte le printemps sur ses ailes. Puis il revient aux fées du pays, un peu fantasques,