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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

sans vergogne, mais l’ensemble de l’œuvre évoque d’autres tableaux. Ce qui plaît chez Noël du Fail, c’est le monument élevé à la vie quotidienne, celle que, bien rarement, quelqu’un se mêle de décrire. Elle est négligée par l’histoire au profit des époques de gloire ou de défaite, de triomphes et de catastrophes. Les romans, les nouvelles, les contes commencent où elle cesse. Mais elle est la vraie vie où mûrissent les vertus qui paraîtront aux instants solennels, et les tragédies qui éclateront aux jours fameux.

Dans le vieux français de Noël du Fail, le village se reflète avec la couleur de ses heures et le parfum de ses saisons. La vie y sourit volontiers : on y danse, on y chante, on y conte, on y jase. L’ancien maître d’école connaît les livres, et aime à en communiquer la science à ses auditeurs, science de livres usés et falots, tels que : Un Kalendrier des bergers, les Fables d’Esope, le Romant de la Rose. On s’asseoit à l’ombre ou au bord des chemins. La liste des chansons vous est donnée ; elles s’appellent : au Bois de Dueil, Qui le dira, le Petit Cœur, Hélas ! mon père m’a mariée, Quand les Anglais descendaient, le Rossignol du bois Joly, Sur le Pont d’Avignon, « de bonne musique (ajoute l’auteur) et de meilleure grâce ». Quelques-unes de ces vieilles chansons émeuvent encore l’air de notre pays. Ces paysans ne ressemblent pas à ceux de La Bruyère ; ils donnent des festins abondants où le « jambon, l’oison et la poule » des pères ne suffisent plus, sans le safran, gingembre, cannelle, muscade, girofle et autres ingrédients dont les villes enseignèrent l’usage aux hameaux.

Au clair de lune, on devise librement des « nids d’antan et des neiges de l’année passée » ; au coin du feu, on parle des fées qui courent sur les chemins.