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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

tiques de Petrosinella, de même qu’aux trois oranges d’un autre conte, recueilli à Naples par Basile, à Venise par Gozzi, ce qui nous indique sa popularité. Ces trois oranges ouvertes tour à tour près d’une fontaine laissent échapper, l’une après l’autre, trois belles jeunes filles. La première réclame en vain de l’eau et meurt. La seconde subit un sort analogue à celui de la première. La troisième obtient l’eau désirée. Celle-ci vivra. Ces jeunes filles sont-elles des fées ? Ou des femmes ? Ou des âmes végétales, comme la Japonaise du saule, qui, telles que des plantes, meurent, faute d’une eau secourable ! Ici, là, chez Basile, s’ouvre une perspective sur des jardins d’orangers et de citronniers en fleurs. Ces trois jeunes filles représentent-elles trois arbres ? Trois arbres, de quel mystérieux jardin ? S’il y a des plantes qui meurent faute d’eau, il y a des êtres qui meurent faute d’amour, et qu’un mot de tendresse ferait vivre.

Certaines aspirations, et parfois des plus nobles, des meilleures, meurent de soif au fond des âmes. Une goutte de rosée spirituelle les transformerait en beauté morale, en vertu, en action efficace et bénie. C’est pourquoi cette légende des Trois Oranges, si vague, si gracieuse, hante la pensée comme d’une perpétuelle interrogation. Nous la verrions illustrée par Dante-Gabriel Rossetti parce qu’il chante la tristesse insondable des vertus qui auront été vaines. N’est-ce pas à ces vertus qu’il faudrait assimiler les destinées tragiques des deux premières jeunes filles qui, faute d’une goutte d’eau vive sur leurs lèvres défaillantes, meurent à côté de la fontaine ?

Dans leur odyssée européenne, les vieux contes firent donc une halte à Naples, et c’est à ce moment précis de leur existence que Basile prêta l’oreille à