Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
LA FÉERIE NAPOLITAINE : BASILE


III


S’il y a parfois des grossièretés et des brutalités dans le livre de Basile, ou ne peut en conclure que la poésie en soit totalement absente. Le joli conte du prince de Campo-Rotondo suffirait à nous persuader du contraire ; il serait plus vrai de dire que la poésie y est à l’état d’or brut, non séparé de sa gangue. Beaucoup de détails y ont une portée symbolique dont certains poètes tireraient un émouvant ou délicieux profit. Une méchante reine a sa destinée liée à celle d’un dragon. Elle expire quand le monstre est tué. D’où vient ce dragon ? Quel est-il ? Un conte japonais, recueilli par Lafcadio Hearn, nous montre une belle et suave jeune femme dont la vie est identifiée à celle d’un saule. Elle meurt dans sa maison heureuse, quand ce saule dont elle paraît incarner l’âme est frappé loin d’elle. Sans doute, les deux légendes diffèrent totalement l’une de l’autre, par l’esprit et par l’inspiration. Mais elles ont ce trait commun d’évoquer une sorte d’arrière-monde de mystérieuses influences, de mystérieux rapports et de mystérieux contre-coups.

La mère de Petrosinella donne sa fille à une ogresse, comme la mère de la Chatte Blanche a donné la sienne aux fées. Petrosinella est enfermée dans une tour sombre, mais elle laisse pendre par la fenêtre de cette tour ses merveilleuses tresses d’or qui servent d’échelle à ceux qui veulent s’y hisser. Un jour, elle s’échappera avec le prince de ses rêves. Tout cela est étrange, absurde si l’on veut, et cependant l’imagination s’accroche à ces tresses fantas-