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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

tingue excellemment nos contes français. Ils ont subi l’influence d’un goût modéré, rationnel et délicat, qui respecte toujours, autant que possible, les droits du bon sens, et serait tenté, ce qui n’est pas si banal qu’on pourrait le croire, de le préférer même à la poésie. Cependant le privilège de la poésie nous appartient dans la version de la Belle au Bois dormant, opposée à celle du Soleil, la Lune et Talia. La légende de la Belle Dormeuse, comme celle des êtres aux dons bizarres que Mme d’Aulnoy appellera les Sept Doués, se trouve dans beaucoup de pays et dans beaucoup d’aventures. On cite parmi les aïeules de cette belle endormie Perséphone et Eurydice, puis, au moyen âge, l’héroïne de Perceforest et, plus tôt encore, celle du Lai d’Éliduc. La Légende dorée avait aussi son histoire des Sept dormants d’Éphèse qui se réveillèrent, après un sommeil séculaire, pour prêcher et prouver l’immortalité de l’âme, et la Grèce antique avait commenté le long sommeil d’Épiménide.

Les contes de Basile ont deux dormantes mystérieuses : Talia, qui repose sur un lit somptueux, et Lisa, qu’abrite un cercueil de verre ; on les retrouvera chez les Grimm, où l’une deviendra la printanière Fleur d’Épine, l’autre la pure Blanche-Neige.

Talia s’est blessée avec une arête de lin, glissée sous son ongle. Elle est la fille d’un grand seigneur, et des sages avaient prédit son sort. Elle tombe inanimée. On la dépose sur un lit de velours et de brocart à l’intérieur d’un château qui reste clos et désert. Un jour arrive où le roi, chassant au faucon, pénètre dans cette demeure silencieuse. Il découvre la belle Talia plongée dans le même sommeil, et repart sans l’avoir éveillée. Après la visite du roi, Talia, toujours endormie, met au monde deux en-