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PROLOGUE

tel ; elle aime à s’y retirer à quelque heure du jour. Mais il y a, pour les âmes, d’autres asiles, certains et sacrés, ceux-là, et aussi plus beaux ; ils resplendissent dans les réalités supérieures. L’île d’Avalon n’est qu’un rêve, fugitif comme un nuage, flottant comme un parfum : pour vous, l’île d’Avalon est un livre qui vous berce ; pour moi, une mélodie qui me ravit ; peut-être une feuille morte que rougit une flamme du soleil couchant ; peut-être un pétale de fleur qu’une brise emporte dans le crépuscule ! Un Trianon pour une reine mélancolique ! Un jardin fleuri de lis purs où des cygnes nagent sur l’eau d’un lac ! Un parterre de roses au clair de lune, où meurt le dernier trille d’un rossignol ! Un escalier de marbre qui s’évanouit sous un champ périlleux de nénuphars ! L’île des Lotophages, ou celle des sirènes ? Lointaines Avalons, étincelants Eldorados, poèmes décevants, philosophies prometteuses, tout ce que l’homme recherche hors de la voie qui mène à son but, hors de la voie âpre et sauvage conduisant au seul bonheur, comme à la vraie beauté ; hors de la voie qu’un poète entre tous eut le courage de célébrer, de sorte que ce poète fut Dante !

Mais ces fées ont-elles une âme ? Ah ! les mystérieuses petites personnes ! Si susceptibles, si frivoles, si passionnées, si changeantes, si bavardes qu’on les dirait deux fois des femmes, et des pires femmes ! Elles transportent là-bas, dans leur île inconnue, les beaux chevaliers qui seront à la fois leurs prisonniers et leurs vainqueurs. Mais les chevaliers se lasseront de ces printemps trop durables, et auront la secrète nostalgie des automnes meurtris et empourprés. Par l’amour, puisque les fées se laissent prendre au mirage de l’amour humain, comme