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FÉES ET FÉERIES DANS L’ŒUVRE DE SHAKESPEARE

déterminé le dessein du poète ? Avait-il réellement un autre but que de créer de la poésie ? Ici, François-Victor Hugo me paraît céder au besoin de préciser certaines lignes, comme lorsqu’il discerne dans le domaine féerique quatre espèces d’êtres : le gnome qui s’attache à un homme, le lutin à une famille, le sylphe à la nature, la fée à l’humanité. Cette classification est à la fois trop générale et trop limitée : chez l’Arioste, Melissa, qui est une fée, s’attache spécialement à la famille d’Este ; le monde féerique comprend aussi des ogres, des enchanteurs, et des génies venus d’un peu partout, d’un caractère plus vague, moins déterminé, tels que loups-garous, chats bottés, je ne sais combien d’animaux parlants, plus sages et plus avisés que les hommes. En outre, les fées sont tour à tour amies ou ennemies de l’humanité. Dans la poésie chevaleresque italienne, sans aller chercher plus loin, les fées sont souvent perfides, occupées à nuire aux hommes, et Titania elle-même, la folle et scintillante petite souveraine de féerie, peut-elle être considérée comme une fée humanitaire ? En somme, à travers les siècles, les fées paraissent surtout attachées à leurs propres caprices.

Mais il est parfaitement vrai que Caliban est un gnome, Ariel un sylphe, Titania une fée, et Puck un lutin,

D’autre part, le Prospero de la Tempête est un enchanteur savant comme Merlin, et dont pourtant l’origine n’a rien de suspect. Ariel et Caliban lui obéissent, de même que les fées obéissent aux enchanteurs du moyen-âge. Il n’y a pas de fées dans la Tempête, et cependant, avec son léger et docile Ariel, avec son Caliban, fils d’une sorcière, avec les merveilles opérées par son enchanteur, elle se range