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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

l’évente ; Renaud est le captif d’Armide, mais Armide est la conquête de Renaud. La belle magicienne transporte le chevalier dans l’île lointaine et délicieuse de la Fortune, où elle cache son amour et sa honte d’avoir ainsi trahi la haine au profit de l’amour.

Qui ne connaît ces strophes mélodieuses ? car tout le poème du Tasse est une ardente mélodie. M. Enrico Nencioni nous fait remarquer qu’avec le Tasse, la musique envahit la poésie italienne, que le seizième siècle italien, que la Renaissance italienne finissent sur le Tasse et Palestrina. Mais quelque chose recommence à l’heure où quelque autre chose accomplit sa destinée. La musique devait être par excellence l’art des temps modernes, la musique des mots comme celle des notes. Puis le Tasse excelle à nous montrer des âmes passionnées où la haine n’a qu’un pas à faire, pour se changer en amour. Et cela même nous rappelle l’art des transpositions musicales.

Il est toujours plein de musique et de mélodie, le légendaire jardin d’Armide, avec ses ombrages, ses parfums, ses fontaines, et ses oiseaux qui se jouent en modulations exquises sur le vieux thème païen de Carpe Diem.

« Regarde, dit le chant, regarde ; la rose modeste et virginale se dépouille de sa robe verte ; à demi visible, à demi cachée, d’autant plus belle que moins elle se découvre… Puis voici qu’elle languit et ne semble plus celle qui était désirée de mille jeunes filles et de mille amants… Ainsi déclinent, au déclin du jour de la vie mortelle, les fleurs et la verdure ; jamais avril ne revenant sur ses pas, elle ne refleurira ni ne reverdira. Cueillons la rose au