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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

joli coup de féerie, chacun s’imagine reconnaître en Astolphe l’ennemi détesté qu’il poursuit. Tous les prisonniers qui furent aussi victimes d’une précédente illusion partagent maintenant cette illusion nouvelle : Astolphe apparaît à tous comme l’ennemi personnel. Le pauvre paladin va succomber sous l’assaut qu’ils lui livrent, car, si leurs imaginations divergent, leurs mouvements s’accordent parfaitement à faire de lui le but de leurs coups. Que d’humanité vraie se retrouve, en somme, dans un palais de féerie ! Astolphe a recours à son cor merveilleux, si terrifiant qu’il met ses adversaires en fuite.

Alors il détruit l’enchantement, et Roger reconnaît, parmi les captifs, la vraie Bradamante qui doit le conduire au baptême et au mariage, et dont toute la magie d’Atlante s’efforçait de l’éloigner.

« Roger, chante le poète avec l’incomparable musique des vers italiens, regarde Bradamante, et elle regarde Roger comme une grande merveille… Roger embrasse sa belle dame qui, plus que la rose, en devient vermeille. Ensuite, sur ses lèvres, il cueille les prémices de l’amour heureux.

« Ils renouvellent mille fois leurs embrassements, et les heureux amants s’étreignent et se réjouissent tant que c’est à peine si leurs cœurs sont capables de contenir leur joie. Cela les afflige beaucoup de penser que, tandis qu’ils étaient dans le palais d’erreur, ils ne s’étaient pas reconnus, et qu’ils avaient perdu tant de jours heureux ! »

Que veut dire le poète ! Y a-t-il, par le monde, de ces palais d’erreur, où ceux qui s’aiment et ont été fiancés l’un à l’autre par la destinée, ne se reconnaîtraient pas ? Roger et Bradamante, tout près l’un de l’autre, s’égarent à travers les détours du