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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

rappelez-vous sa rencontre avec Béatrice au sortir du Purgatoire, et ces mots passionnés : « Regarde-moi, c’est bien moi qui suis Béatrice. » Ou plutôt, non, si vous voulez lire l’Arioste, n’évoquez pas le Christianisme vivant de Dante, auprès du Paganisme littéraire de la Renaissance, qui se mêle assez irrévérencieusement de quelques notions chrétiennes… Est-il besoin même de dire que vous chercheriez en vain, au front de Logistilla, l’auréole de poésie qui nous émeut au front de Mathilde et de l’incomparable Béatrice ?

S’il échappe aux filets d’Alcine, s’il est affranchi par Logistilla, Roger n’a pas encore désarmé le magicien Atlante. Comme les fées, les magiciens se montrent tenaces. Celui-ci ne renonce pas à tramer de nouveaux enchantements. Son château d’acier est détruit par la victoire de Bradamante, mais, s’il lui faut un autre palais, il le fera surgir. Ce sera un beau palais de marbres variés, construit sans doute sur le modèle de ceux qui enrichissent Ferrare, et, pour y attirer les hommes. Atlante n’a pas besoin d’aller chercher très loin ses pièges ; il use de ceux qu’il trouve dans leur propre cœur, que ce soit un cheval favori, une arme de prix, un ami de prédilection, une fiancée absente, une lointaine bien-aimée. Tels sont les jeux étranges du destin qu’Arioste s’amuse à faire miroiter devant nous.

Chez Alcine, c’est l’inconstance de Roger, qui mettait en péril le sort de son amour pour Bradamante ; et voici que chez Atlante c’est, tout au contraire, sa fidélité même pour Bradamante qui risque de lui faire perdre cette fiancée. Il voit l’image de Bradamante aux prises avec un géant ; il se précipite au secours, prenant l’image de Bradamante pour Bra-